Chacun de ces points mériterait développement mais, nos lecteurs l'ont noté, le sentiment que tout est dit — sur plusieurs années à présent et en plusieurs copieux dossiers — et quelque lassitude gagnent. Alors pour faire bref:
• Sur l'Europe, de sommet en sommet, nos dirigeants sauvent l'essentiel. Tous ceux pour qui l'essentiel est d'habiter l'Europe devront d'abord considérer que notre continent doit être défini essentiellement comme une zone de stabilité budgétaire.
• Sur le réchauffement climatique, les représentants de cent-quatre vingt quinze pays — ceux qui ont pu s'offrir une nuit supplémentaire dans la capitale des congrès — sauvent l'essentiel: ils prolongent le protocole de Kyoto jusqu'en 2015, et remettent à plus tard des décisions qui ne compromettent que l'immédiat avenir. Car comme eux, nous sommes tous dûment prévenus que sauf réduction drastique des émissions mondiales de CO2 d'ici 2017, il sera impossible de se maintenir dans les limites des 2°. Et qu'évoquer 3° ou 6° ne veut rien dire, puisque des paliers qualitatifs inconnus surgiront nécessairement, phénomène au doux nom d'emballement climatique. Ceux qui ont quelque mémoire récente auront remarqué qu'un grand scientifique et ancien Ministre socialiste de l'Éducation Nationale semble avoir provisoirement renoncé à ses succès de librairie.
• Les priorités du président Obama, l'un des présidents les mieux élus de l'histoire américaine, étaient la lutte contre le réchauffement climatique justement, la paix dans le conflit du Moyen-Orient en un an, l'établissement d'une couverture de santé décente et, plus spécialement la lutte contre la spéculation financière. Sur tous ces fronts, il espère sauver l'essentiel, largement commandé par la nécessité de se faire réélire quatre ans de plus, par de complexes mécanismes électoraux et une Constitution des temps des Pères Fondateurs, vieille de deux cent cinquante ans que, sauf quelques-uns, la plupart des Américains considèrent encore comme seule garante de l'essentiel.
• Prenons ici ce pari: le 22 avril et surtout le 6 mai prochain, quand il nous faudra ici élire notre président de la République, les meilleurs d'entre nous nous expliqueront une fois de plus qu'afin de sauver l'essentiel, il faudra voter pour quelqu'un dont on ne saura à peu près rien, ni sa capacité de proposition et d'analyse politique, ni sa considération pour un maniement respectueux, sensé et intelligent du langage, ni son esprit de décision, pour son seul pouvoir magique à nous préserver du pire. Alors, au matin du lundi 7 mai 2012, l'essentiel ne sera pas dans les résultats, mais dans la capacité où nous serons tous de pouvoir nous opposer aussitôt, individuellement et collectivement, à ceux qui continueront à menacer ce que, là ou nous sommes, nous tenons pour l'essentiel.
© Photographie: Maurice Darmon, Cinecittà, tiré de Rome 2011.