Isabelle Roux est céramiste et artiste plasticienne. On peut la retrouver sur son site.
Funambule, le travail d’Isabelle Roux maintient ferme l’équilibre fragile entre la perfection idéale et l’humaine imperfection.
Grande puissance de l’élan, mais toujours légère déformation par rapport à la forme géométrique pure vers laquelle la pièce tend: non pas cercle, mais arrondi mollement incertain. Non pas cône inversé, mais évasement, presque symétries, faux-plats, courbes doucement changeantes. Plus l’hésitante régularité des gravures. Flammées à peine. Pigments délicats soufflés à la pipette, révélés seulement parfois. Vie.
Aucun geste lisible dans le travail d’Isabelle Roux ne semble arrêté. Fugues qui s’élèvent et continuent à s’élever sous le regard. Incertitude des bords si fins qu’ils semblent fondre diminuendo. Suite invisible suggérée qui élève le cœur du regardeur.
Chant des baleines. Ultrasons que l’on n'entend pas mais que l’on sent. Dialogue. Invitation contemporaine, comme on l’a dit, à suivre la ligne, à la poursuivre dans le vide, mais aussi dialogue avec les voix si lointaines et pourtant parfaitement claires des céramiques coréennes préhistoriques.
Et dialogue plus sourd avec la nature. Terre. Pièces presque noires au trou profond qui fait un peu peur. Matrice et mort. Lumière et ombre. Pièces qui vivent dans les herbes. Sous la glycine, avec le thym. Au bord de l’eau. Au pied des montagnes. Sous la neige. On n’en finit pas.
Conversation encore des pièces entre elles. Air de famille. Grand air. La petite carrée aux angles pointus dit quelque chose à la grande ronde. La faiblesse de la presque effondrée informe la plus raide. Les grandes stèles de porcelaine bossues, lacunaires, blanches du deuil japonais, s’enroulent tant bien que mal sur elles-mêmes, comme pour lécher leurs plaies, mais se consolent aussi de leur déchirement en s’inclinant légèrement les unes vers les autres. Forêt d’Ents.
Pour les aventuriers, les céramiques d’Isabelle Roux sont à découvrir comme de nouvelles terres pleines de secrets.
© Texte: Françoise Coursaget. Photographie: Poterie H: 48cm, L: 62cm, Michel Dieuzaide.