Conseiller de François Truffaut pour La Mariée était en noir, peintre des toiles dont Charles Denner y est censé être l'auteur, constructeur de décors pour nombre de pièces et par exemple ceux de L'homme du hasard de Yasmina Reza, découvreur de Richard Bohringer dans L'Italien des Roses (1972), sélectionné au festival de Venise, chacun devrait connaître Charles Matton, mort ce 19 novembre 2008. Il aura signé d'autres films: Spermula (1976), La Lumière des étoiles mortes (1993) et Rembrandt (1999), Grand Prix du meilleur scénario.
Il faut aller se promener patiemment sur le site du "fabricant d'images", où il mêle, de façon délibérément figurative — choix qui lui barrera toute route jusqu'en 1983 —, la peinture, le dessin, la sculpture, la vidéo, la photographie, l'écriture ou le cinéma: les plus beaux dessins du monde, les formidables boîtes d'un mètre cube représentant par exemple en trois dimensions Le grand loft (animé sur la page d'accueil du site), Le bureau de Sigmund Freud, L'atelier de Bacon ou celui de Giacometti, Hommage au café de Flore (l'original est exposé en permanence au Café lui-même), Hall d'hôtel, La chambre d’une femme désordre, ou celle de Paul Bowles à Tanger, Le grenier de Leopold von Sacher Masoch, les boîtes Vampire studios: Armoire à glace, Salle de bains carrelée, ou La chambre d’Anna Freud à Londres, ou encore L'hommage à Proust.
De nombreuses expositions ont rendu justice de son œuvre: au Centre Pompidou en 1989, à Tokyo en 1990, aux États-Unis, à la FIAC en 2000, à Art Paris en 2006, dans cinq vitrines aussi du Palais Royal dans une Carte blanche offerte par le ministère de la Culture. La Maison Européenne de la Photographie lui a consacré une exposition en 2007, États des lieux.
Son travail a été longuement commenté par Jean Baudrillard comme par Françoise Sagan (1). Il est lui-même l'auteur d'une monographie sur Rembrandt (1998, J'ai lu) et d'un essai en 2002, avec Alain Finkielkraut et le fort voisin Ernest Pignon-Ernest, Être artiste aujourd'hui, aux éditions du Tricorne.
1. Françoise Sagan, février 1989: Je ne parlerai pas ici de la beauté pure, et du charme violent des photographies, des tableaux et des objets de Charles Matton; je parle d'autre chose, je parle de ce secret dérisoire, cerné et néanmoins chaleureux qu'est notre existence quand nous la voyons à travers les images de Charles Matton, je parle du sacrilège bizarre qu'il nous fait faire en même temps que de cet acte de foi, je parle de l'affection qu'il prodigue visiblement à ceux qui l'entourent et qui nous permet à nous, une fois entouré de ses toiles, de ses objets, de ses reproductions et de ses agrandissements, de supporter mieux cette effroyable désordre, subi au millimètre près, qu'est en général notre existence.
Photographie: © Autoportrait dans le grand atelier, Charles Matton.