Mal nommer
un objet, c'est ajouter

au malheur de ce monde.

Albert Camus.


jeudi 24 avril 2008

Encore et toujours Carlo Emilio Gadda


Louis Bernardi continue ses amusements littéraires autour de Carlo Emilio Gadda, qui s'y prête de bonne grâce. Cette fois, une parenthèse perdue dans une traduction permet des commentaires inespérés, rêveries implicites en prime, dans Les infidèles ne sont pas toutes belles. Inutile de dire à Louis Bernardi que notre porte lui reste ouverte à d'autres aventures.
Et puisque nous en sommes à quelques nouveautés, voici aussi, dans
Images, des photographies prises au cours de promenades au centre de Paris.

lundi 14 avril 2008

Planètes rouges




Dans l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique, nous avions déjà connu le black-out avéré des présidentielles françaises, suivi du rodéo médiatique du Grenelle de l'Environnement; nous traversons le grand désert des candidats américains, du moins vu d'ici; de temps en temps, nous subissons la délinquance ouverte d'un ancien ministre, alors socialiste, de l'Éducation nationale, géochimiste soudain climatologue autoproclamé en quête de renommée, ergoter sur la responsabilité humaine d'un réchauffement qui, selon ses fraudes, resterait lui-même à prouver.
Voici qu'émerge, ici et là, chez nos prescripteurs d'opinion, un nouvel horizon verbal: il serait si tard, trop tard, que, à présent, le seul espoir qui nous serait permis serait celui de "l'adaptation" à la catastrophe, dont les premières annonces datent pourtant de 1850. Nous allons voir la notion d'adaptation envahir bientôt les commentaires et les discours dans nos contrées, jusqu' à rejoindre la dignité d'un concept scientifique que nos dirigeants — encore un mot sur lequel nous prendrons un jour le loisir de rêver — pourront ressasser à loisir, mais nous pouvons d'ores et déjà comprendre le tour magique du discours: en clair, à l'instar de
Google qui installe désormais ses immenses fermes informatiques, les plus grosses du monde, aux latitudes qui seront le moins touchées par le réchauffement, une minorité de privilégiés se partageront les zones les moins défavorables de la planète, laissant les autres à leurs déserts, leurs sécheresses, leurs guerres, leurs famines, et peut-être même les aidant, ouvertement ou non, à s'exterminer eux-mêmes. Après tout, il existe déjà beaucoup de déserts, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, aux USA, aux Amériques, en Australie, en Espagne et, avec, disons, trois ou quatre milliards d'hommes en moins, la Terre pourrait bien redevenir une sorte de paradis terrestre.
Nous lisions même dans
Le Monde des 13/14 avril 2008: "Mars pourrait constituer une base de repli, une sorte d'assurance-vie. À condition d'avoir terraformé la Planète rouge, opération qui consiste à la rendre habitable par l'homme [...] Complexe, terriblement coûteux, mais pas impossible". Gageons que la formidable aventure de la "terraformation" de Mars aura ses pionniers, puis ses ouvriers, et enfin ses bénéficiaires, bien différents selon les résultats. La Planète rouge ne sera probablement pas à l'abri de la lutte des classes.

PS. Rendons "terraformation" à Kim Stanley Robinson, auteur d'une trilogie sur la colonisation de Mars (Mars la rouge, Mars la verte, Mars la bleue), ce qu'illustre si bien la merveilleuse image, en frontispice, de notre planète sœur, oui c'est bien Mars que nous voyons là et, en cliquant sur l'image, comme sur toutes nos images d'ailleurs, vous la verrez encore mieux.

Image: © auteur non identifié, site
Guillaume de Saint-Pierre. Tous droits réservés.

mardi 8 avril 2008

Francesco Angelini: La Luna




On avait bien vu, ici ou là, apparaître quelques images, la Lune, Saturne, sans prévenir. Mais qui s'attendait à ce que Francesco Angelini nous offre déjà La Luna
, dans le ciel d'Ascoli Piceno, sa province natale? Un premier ensemble, rien que pour les yeux. Et notre compagnon nous en promet d'autres!

Image: © Francesco Angelini.

jeudi 3 avril 2008

Blake Alcott et les gestes simples




Qui ne s'est pas entendu dire, qui n'est pas convaincu que, à propos des problèmes liés à l'environnement, "des gestes simples peuvent tout changer", pour reprendre le titre d'une conférence itinérante de la MAIF, assureur militant, et de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME)? Si, sur le plan personnel, consommer moins demeure un bon choix, ne nous laissons pas bercer par des chansons pour nantis sur ces problèmes de vie ou de mort. Anne Teyssèdre, consultante en écologie, éthologie et sciences de l'évolution, dresse ci-dessous — dans
Le Monde du 1er avril 2008: Environnement: frugalité non ordonnée n'a pas d'effet — une synthèse des travaux de Blake Alcott expliquant qu'une restriction de la consommation individuelle ne peut être bénéfique que si elle est organisée et réglementée au niveau mondial.

Nous risquons de nous retrouver ensevelis sous des prospectives douteuses, ou douteusement vulgarisées (
cf. Fausses fenêtres par exemple) ou sous des leçons de morale, qui nous laisseront rapidement bernés dans nos bonnes consciences et surtout démunis. Les projets politiques, les campagnes électorales à tous les niveaux, les débats parlementaires et partisans, la droite libérale comme la gauche de progrès, ne mériteront ces noms ou ces labels que s'ils placent ces urgences au centre de leurs propositions et horizons immédiats. En la matière, le "On ne savait pas" n'est pas recevable. Nous savons que ces questions sont vitales, nous savons que le temps ne travaille pas pour des solutions spontanées, nous entrevoyons les chemins nécessaires, même si nous savons qu'ils ne seront probablement pas suffisants. Tout le reste n'est d'ores et déjà que cyniques alibis.


Environnement: frugalité non ordonnée n'a pas d'effet. Pour alléger l’impact de l’humanité sur l’environnement, la stratégie de «frugalité», c’est-à-dire de moindre consommation individuelle, peut à première vue sembler efficace. Manger moins de viande, réduire ses déplacements, choisir une voiture économe en énergie ou, mieux, opter pour le train, bref adopter un comportement plus «sobre», devraient contribuer à réduire l’empreinte écologique des hommes sur la Terre... Dans un article à paraître dans Ecological Economics (no 64, 2008, pp. 770-786), l’économiste suisse-américain Blake Alcott montre qu’il n’en est rien sans organisation collective: dans une économie de marché non réglementée, les initiatives environnementales individuelles sont vouées à l’échec.

Depuis plus de trente ans, les principales stratégies prônées pour limiter l’impact de l’humanité sur l’environnement visent à réduire ou modérer l’une de ses trois principales composantes, telles qu’identifiées par Paul Ehrlich et John Holdren en 1974, soit: l’effectif de la population mondiale (P), la consommation individuelle (A, pour affluence en anglais), et l’impact de la technologie sur l’environnement (T).

Dans un autre article, actuellement en ligne sur
ScienceDirect, M. Alcott souligne que ces trois facteurs d’impact sont interdépendants: la variation de l’un d’eux favorise celle des deux autres. Ainsi, il est aujourd’hui largement reconnu que la croissance soutenue de la population mondiale depuis cinq mille ans résulte d’une série d’avancées technologiques remarquables, principalement dans le domaine de l’agriculture. En augmentant le rendement agricole par hectare cultivé, chaque progrès technique s’est soldé par une augmentation de la population mondiale, qui est passée de quelques millions d’individus à six milliards en moins de deux mille ans.

De même, les progrès techniques soutenus depuis plusieurs décennies dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’information, des communications, etc., ont causé une baisse des prix dans tous ces secteurs, qui a favorisé la diffusion des biens et techniques et augmenté la consommation individuelle moyenne.

Face à ce constat d’interdépendance, M. Alcott affirme qu’une stratégie environnementale visant à limiter un seul des trois facteurs d’impact sans considération pour les deux autres ne peut être efficace. Par exemple, la stratégie de «l’efficacité technologique» (efficiency strategy), qui vise à réduire l’apport d’énergie et de matériaux par unité de production — et donc à réduire l’impact technologique —, ne peut avoir d’effet positif sur l’environnement, puisqu’en diminuant le prix des biens et services produits elle induit une augmentation compensatoire de la consommation. «Cet effet rebond [des gains d’efficacité technique] sur la consommation globale et l’environnement a été analysé dès 1865 par William Stanley Jevons, qui a anticipé l’expansion des mines de charbon en Angleterre et ailleurs», souligne le chercheur.

Il en va de même avec la stratégie du «suffisamment» (sufficiency strategy), ou de frugalité des nantis — puisqu’on ne peut attendre des personnes démunies qu’elles restreignent leur consommation —, décidée de manière individuelle et autonome. En effet, le comportement frugal d’une fraction de la population aisée se traduit au plan économique par une diminution de la demande qui, selon les lois du marché, doit se solder par une baisse des prix qui profitera à d’autres personnes au pouvoir d’achat comparable ou un peu moindre... et par rebonds rétablira le niveau de consommation globale. «Si l’on peut soutenir qu’au plan purement personnel consommer moins est un bon choix, l’effet [d’un tel comportement individuel] sur l’environnement est en revanche très faible ou inexistant — particulièrement face à l’urgence de réduire la consommation mondiale de pétrole», précise M. Ascott.

Pour éviter ces «rebonds» entre les trois grands facteurs d’impact, l’économiste soutient que toute stratégie environnementale doit considérer le système dynamique P-A-T en interaction, et prévenir les effets des variations de chaque composante sur l’ensemble du système. «Puisque les stratégies de l’efficacité et de la frugalité souffrent toutes deux d’un large effet rebond, il semble plus sage de les abandonner en faveur de politiques environnementales qui soit taxent lourdement, soit rationnent les carburants fossiles sur une base nationale», poursuit-il. Et cela non seulement dans les pays riches, mais aussi dans les pays en développement — car ces derniers comportent également une fraction de population aisée, dont la consommation croissante de ressources et d’énergie alourdit l’impact écologique mondial et contribue au réchauffement climatique.

© Anne Teyssèdre, consultante en écologie, éthologie et sciences de l'évolution. Le Monde, supplément Économie, 1er avril 2008.
© Elle: Je purifie l'air ambiant avec des plantes détox'. Auteur non identifié, tous droits réservés.

mardi 1 avril 2008

Antoine Basbous: France et Syrie



Notre chapitre Parole d'homme réunissait des textes arrimés à la démocratie, à la laïcité, et à l'exercice concret et quotidien de nos libertés fondamentales. Ce socle pourrait vite tourner à une rhétorique incantatoire s'il ne mesure pas les coups de boutoir qu'il reçoit et va recevoir encore des grandes urgences de la décennie (nos notes du 22 novembre 2006 et du 18 mars 2008):
— Le processus de mondialisation et notre Europe;
— Le conflit israélo-palestinien, les relations avec le monde musulman dans son ensemble, et nos alliances;
— Le réchauffement climatique et la raréfaction des matières premières et des produits de base dans leurs conséquences humaines, sociales, politiques, démographiques et probablement militaires.
Ainsi
Parole d'homme intègre
Liber@ Te, un ensemble plus vaste de documents jugés de durable importance sur ces priorités vitales.

Et pour commencer
, Antoine Basbous, fondateur et directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris et sur lequel nous reviendrons bientôt, publie dans Le Monde du 28 mars 2008: Jeu de dupes entre la France et la Syrie.