Un site, fort facile à retrouver, propose à chacun de géolocaliser tout mobile par GPS, avec une précision d'un mètre, ce qui devrait combler les amis en peine de retrouvailles, les patrons abusifs, les maris, amants ou amoureux jaloux. Bien présenté (malheureusement, j'en parle en connaissance de cause) ce site est pourtant un hoax, c'est-à-dire en clair un canular. Des plus obscènes au demeurant. Je venais de rédiger la recension sur Surveillance globale, enquête sur les nouvelles formes de contrôle (Climats / Flammarion, 2009), le bon livre d'Éric Sadin, et cette "preuve" de plus, tombée ainsi à point nommé, m'a si fort sauté aux yeux que ma méfiance habituelle sur ces liens venus d'ailleurs a été anesthésiée.
Nous pourrions en rester là et, profil bas, boire notre honte dans notre coin. Mais la vérité nous oblige à poursuivre: voilà que ce genre d'hoaxes voudraient nous faire rigoler gras d'une vraie menace, dont ce livre, et notre recension donc, soulignent la gravité.
Car les instruments existent vraiment pour de tels repérages. Ainsi, ces services sont proposés par Google par exemple, sans qui le Net aujourd'hui ne saurait vivre. En voici, sur un site d'informations techniques, la description en français, qui donne aussi le lien anglais direct pour Google. Ou ici en français, Google latitude, un service internet qui ressemble comme deux gouttes d'eau au site pornographique auquel nous faisions allusion mais qui, lui, est opérationnel. Quant à iPhone, il le propose directement activable sur son mobile (toujours en anglais, mais aisément compréhensible).
On croira se rassurer en remarquant que l'inscription à ce service est volontaire. On s'illusionnera plus encore en prétextant que l'activation peut toujours être temporairement neutralisée, ce qui signifie, pour qui sait lire, que l'inscription est irréversible, et que le mobile continuera d'être localisé, même une fois l'application quittée, comme le précise la note d'information citée ci-dessus. D'autres s'effraieront de l'avènement de Big Brother. Mais, si prophétique qu'il soit, Big Brother est le cauchemar d'une dictature de gens surveillés malgré eux. Ces services nous ouvrent à la douceur du "Meilleur des mondes" avec notre assentiment, que la récurrence de mots tels que "nice", "pretty", "friends", "fun", "no worries", voudrait rendre joyeux.
Ce que nous montre aussi, heureusement, le livre d'Éric Sadin, c'est qu'il est urgent, possible, efficace même (voir les déboires de Facebook ou de la RATP dont nous parlions dans notre article de ce 27 février) de réagir et de nous défendre contre cette "surveillance horizontale", de refuser, par tous les moyens à notre disposition, de lui apporter plus avant notre complice concours. Qui se traduit entre autres par un pullulement irresponsable de canulars qui n'aboutissent qu'à encombrer nos boites aux lettres et, nous transformant en fous du roi, à aggraver la désinformation.
© B. Boukerma, Un monde meilleur, cité dans Orient-Express photographies.