23 décembre 2009. Le Monde de ce jour rapporte que les défenseurs de Pie XII, décrété «vénérable [...] compte tenu de ses vertus héroïques» le 19 décembre dernier en prélude à sa prochaine béatification, rappellent que le Vatican a discrètement hébergé 477 juifs italiens, et que, si le Saint Père s'est tu (ce qui nous est depuis longtemps et souvent rappelé), ce fut pour "éviter par ses propos de multiplier le nombre de victimes de la folie nazie" (1). On pourrait toujours se dire que ces histoires de petits saints et de bons pasteurs n'engagent que ceux qui y croient.
Non. Ceci est pour nous l'occasion de redonner à lire une note qu'une autre actualité nous amena à rédiger le 16 mars 2008, mais qui, pour sordide qu'en fut le prétexte, nous permit de mieux mesurer l'importance de la prise de parole de l'archevêque de Toulouse et d'autres personnalités du monde de la foi qui, par leurs quelques mots, libérèrent la conscience et le courage de millions de gens.
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16 mars 2008. — L'événement majeur de cette semaine n'aura certainement pas été l'appel au boycott du Salon du Livre par les pseudo-amis de la Palestine. Tout a déjà été dit et vu depuis un semblable appel concernant le futur Salon de Turin, suivi de toutes les dénégations possibles. Non, l'essentiel aura été, le vendredi 14 mars sur la Cinq, une émission relatant dans quelles circonstances des milliers de Français ont sauvé de la mort entre 1940 et 1945 250 000 juifs sur les 320 000 qui vivaient alors dans notre pays.
En effet, dès 1939, les juifs allemands persécutés fuient en France. La déclaration de guerre amène le gouvernement à les parquer dans des camps avec les réfugiés espagnols et italiens. Au total, 40000 personnes sont dans ces camps secrets, puis le double après les lois d'octobre 1940 sur le statut des Juifs, en attente d'être livrés à la déportation, puis en toute connaissance à l'extermination. Prend alors naissance un mouvement principalement animé par la protestante Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués) et l'OSE (Œuvre de secours aux enfants), qui va concevoir le projet fou d'installer dans ces camps des internés volontaires pour soigner les détenus et les faire sortir et accueillir individuellement ailleurs. Le mouvement prend toute son ampleur après que cinq archevêques en tout et pour tout sauvent l'honneur de l'Église catholique devant les rafles de l'été 1942, et libèrent à eux seuls les énergies de milliers de Français qui vont cacher, en dépit du terrible danger, d'abord les enfants, puis les familles. Ainsi, contre leur gouvernement et sa police au service de l'occupant, contre leur Église, d'innombrables Français vont sauver de la mort l'essentiel de leurs concitoyens juifs. Trois noms symbolisent cette action: Madeleine Barot de la Cimade, Joseph Weill de l'OSE, et l'archevêque de Toulouse Jules-Géraud Saliège. Le peuple bulgare, lui, vivant pourtant dans un pays allié militairement aux nazis au sein du pacte tripartite, sauva la totalité de ses 50 000 juifs, dont pas un seul ne périt dans les camps (voir la synthèse d'Olivier Maurel sur le sujet et celle de Vassela Segueva: La Bulgarie, le seul pays allié à l'Allemagne nazie à avoir sauvé des juifs).
Je préfére que la Cinq m'ait, cette semaine, raconté par le menu cette histoire plutôt que continuer à m'étrangler de colère à voir ainsi nos instruits et nos démocrates prétendre au déni du livre; des gouvernements démocratiques donner raison d'avance aux fanatisés de masse qui tueront et brûleront si un film de dix minutes sur le Coran prétend être visible, en abritant, tartuffes s'il en est, leurs vertus sous le prétexte que le cinéaste est d'extrême-droite; ainsi être assourdi par le silence finalement complice de tous nos académiciens et éditeurs qui se pressaient il y a quelques jours au cocktail du Ritz (notre note du 14 décembre 2007: Un 11 comme un autre dans Alger la Blanche) afin de se faire dédicacer par le poète Khadafi l'ensemble de ses œuvres.
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1. Dans un article paru dans Le Monde du 30 décembre 2009, Patrick Kechichian rapporte ces quelques lignes, en date du 13 décembre 1945, que Paul Claudel écrivit à Jacques Maritain, alors ambassadeur de France auprès du Saint-Siège: «Je pense souvent à vous et à la mission si importante et si difficile que vous remplissez auprès de Sa Sainteté. Rien actuellement n'empêche plus la voix du pape de se faire entendre. Il me semble que les horreurs sans nom et sans précédent dans l'Histoire commises par l'Allemagne nazie auraient mérité une protestation solennelle du vicaire du Christ. Il semble qu'une cérémonie expiatoire quelconque, se renouvelant chaque année, aurait été une satisfaction donnée à la conscience publique... Nous avons eu beau prêter l'oreille, nous n'avons entendu que de faibles et vagues gémissements.» Puis, faisant référence à l'Apocalypse, il parle du sang des «6 millions [de juifs] massacrés» et conclut par ces mots: «C'est ce sang dans l'affreux silence du Vatican qui étouffe tous les chrétiens. La voix d'Abel ne finira-t-elle pas par se faire entendre?»
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